Appel à contributions

 

👉 Appel à télécharger

 *

Fondements du colloque

Le titre de ce colloque, organisé dans le cadre du Groupe de recherche Luddes[1], annonce les quatre fondements essentiels sur lesquels il voudrait reposer.

Tout d’abord, le fil rouge : l’articulation des deux thèmes de la question souligne le prisme linguistique souhaité dans l’approche didactique des objets de recherche présentés, aussi bien pour les socles théoriques convoqués que pour les analyses de supports et les pistes de formation proposées.

Ensuite, les marques du pluriel invitent à ouvrir les champs à investiguer dans les approches didactiques de la langue en fonction de la diversité des contextes d’apprentissage, des caractéristiques propres aux disciplines, des besoins auxquels répondre, des objectifs poursuivis.

Par ailleurs, la thématisation sur les discours appelle à envisager la variété des modes et des supports de construction/diffusion des savoirs dans l’enseignement supérieur. En effet, si les recherches en didactique du français dans l’enseignement supérieur se sont longtemps focalisées sur les pratiques de l’écrit et, à une bien moindre échelle cependant, de l’oral, de nouveaux modes de communication et genres de discours surgissent et méritent que l’on réfléchisse à leurs spécificités et aux moyens de les didactiser. 

Enfin, c’est l’enseignement supérieur dans son ensemble qui est envisagé ici, comme catégorie génériqueenglobant divers contextes d’études, y compris professionnalisantes, ce qui permet d’envisager une plus grande hétérogénéité d’objectifs, de pratiques et de discours. Il conviendra dès lors de décliner et de décrire, au-delà de caractéristiques transversales, des spécificités discursives et linguistiques générées par des environnements institutionnels, disciplinaires et épistémologiques particuliers.

 

Contextualisation

Cette contextualisation s’ancre dans le thème de la maitrise de la langue par les étudiant.es, qui outre le fait de préoccuper le milieu académique, surgit régulièrement dans la presse, en véritable marronnier, le plus souvent sous des titres alarmistes.

La médiatisation du phénomène – parfois juste limitée à la recherche d’un coupable    (« à qui la faute ? »), parfois ciblant un responsable (« c’est la faute de … »), mais parfois heureusement plus nuancée – ne le rend pas pour autant anodin : selon les enseignant.es, les étudiant.es semblent bel et bien éprouver des difficultés de nature linguistique, même lorsque la langue d’enseignement est leur langue première. Mais qu’entend-on exactement par-là ? Qu’est-ce qui fait défaut en langue au point d’être un obstacle à l’appropriation de savoirs disciplinaires ? Comment interpréter ce que l’on voit a priori ? Que nous disent en fait les erreurs orthographiques, les problèmes d’ordre lexical, syntaxique ou d’organisation logique ? Ces dysfonctionnements montrent-ils des lacunes en français stricto sensu ? Ou bien sont-ce des symptômes de mécompréhension – légère ou profonde – de ce que les étudiant.es ont à lire, écrire, écouter dans un nouvel environnement discursif ? S’agirait-il alors davantage de manifestations de difficultés à s’adapter à des codes linguistiques et discursifs particuliers, en tant qu’artisans et vecteurs de savoirs complexes ? Dans ce cas, peut-être serait-il intéressant de se demander si une parfaite maitrise de la langue – toujours au sens strict – garantirait forcément une parfaite compréhension des discours dont on ne peut nier la nouveauté voire l’étrangeté pour certain.es ?  

Depuis une trentaine d’années dans nos pays francophones, des linguistes et didacticien.nes du français font de ces interrogations un véritable objet de recherche, de réflexion et d’ingénieurie didactique[2]. D’emblée, dans ce champ, un choix fort fut opéré : celui de considérer la question de la maitrise de la langue sous l’angle plus aigu des pratiques de l’écrit en rapport avec les modes d’accès au savoir. Dans ce cadre, les difficultés des étudiant.es sont appréhendées au regard des discours de l’enseignement supérieur qui, par leurs circonstances-mêmes d’énonciation, peuvent générer des difficultés liées à des usages particuliers de la langue. Il s’agit alors à la fois d’analyser le fonctionnement de ces discours en tant que pratiques sociales situées et de comprendre selon cet angle la nature des problèmes rencontrés par les étudiant.es. 

 

L’apport de la recherche dans le champ des Littéracies universitaires

L’intérêt porté à l’ancrage contextuel et à la continuité des apprentissages linguistiques résulte d’un apport fondamental de la recherche, qui a marqué un virage important dans la didactique de l’écrit à l’université. 

En effet, dans la filiation des Academic littéracies britanniques et des Composition studies états-uniennes, s’est développé dans nos pays francophones européens le concept de Littéracies universitaires[3]. Cette expression se caractérise par sa double acception. Elle peut désigner très concrètement l’ensemble des genres et pratiques de l’écrit à l’université, et dénommer également le champ de recherche qui les théorise (Pollet, 2021). Cette dimension théorique met l’accent « sur les dimensions contextuelles, sociales et culturelles des pratiques de lecture et d’écriture » (Delcambre, 2012 : 29). 

A ce principe de contextualisation, s’ajoute celui de continuum. L’articulation des deux marque l’apport essentiel du champ des Littéracies universitaires en didactique du français dans l’enseignement supérieur [4] : la légitimité, au sein de cet ordre d’enseignement, du traitement des difficultés en langue des étudiant.es tenant compte des spécificités des savoirs disciplinaires et des besoins au fil du cursus (Delcambre, 2012 – Reuter, 2012).

C’est en ce sens que des événements majeurs de la recherche en Littéracies universitaires dans les pays francophones[5] – même si celle-ci se focalise sur les pratiques de l’écrit – ont à la fois montré et suscité des apports fondamentaux dans les réflexions liées à la didactique des discours dans l’enseignement supérieur.   

Ainsi peut-on observer une évolution dans les manières d’analyser ces discours et d’organiser leur apprentissage en fonction d’environnements et d’objectifs de formation particuliers, exploitant des approches à la fois discursive, cognitive, communicationnelle et linguistique de la diversité contextuelle qui les caractérise. Diverses publications en témoignent ces dernières années (entre autres : Delcambre, 2012 – Delcambre et Lahanier-Reuter, 2010 – Pratiques, 2012 – Tutin et Grossmann, 2013 – Boch et Frier (dir.), 2020 – Pollet, 2014, 2019, 2021 – Niwese, Laffont-Terranova et Jaubert (coord.), 2019 – Scheepers (dir.), 2021, 2023, 2024).

Ainsi peut-on également observer la croissance de programmes organisés dans des cadres plus spécifiques du soutien à l’apprentissage, tenant compte de l’adaptation nécessaire des étudiant.es à des univers et codes de communication nouveaux et particuliers. On citera par exemple le projet français écri+[6] – en particulier pour les étudiant.es de licence –, ou le projet international Erasmus + Serafin [7] pour les étudiant.es en situation d’exil. Il peut s’agir aussi de dispositifs plus locaux, comme les cours de littéracie universitaire dans certaines institutions québecoises[8], ou encore des projets centrés sur le développement de compétences langagières en contextes disciplinaires, par exemple ceux du Ceduel à l’Université libre de Bruxelles [9].

 

Objectifs du colloque

Au moment où émergent dans nos institutions de nouveaux objets de connaissance, de nouveaux genres et supports de discours, de nouveaux outils et de nouvelles pratiques de construction des savoirs, au moment, donc, où se modifient les contextes d’enseignement et d’accueil des étudiant.es, le premier objectif du colloque est d’envisager de possibles ouvertures vers des pratiques discursives variées.

En effet, si le champ des Littéracies universitaires a permis des avancées essentielles pour la didactique du français dans le supérieur, ce sont les pratiques de l’écrit qu’il cible. Or, l’heure est peut-être venue d’élargir ce cadre – sans nullement en trahir les fondements et ses implications didactiques, et au contraire en s’appuyant sur eux – pour répondre à de nouveaux besoins relatifs à la diversification des modes de construction/diffusion des savoirs, à l’arrivée de nouveaux publics, à la constante croissance des outils technologiques, sans oublier les bouleversements provoqués par l’irruption des I.A.

Toutefois – et c’est le deuxième objectif du colloque –, cet élargissement de perspectives se fera sous le prisme resserré des approches de la langue à favoriser dans tel ou tel cas, et celle des compétences langagières à développer chez les étudiant.es[10].

En effet, la question du choix des objets et des approches de la langue à développer a toute son importance. Pour le dire de manière succincte : une approche par les genres de discours ? une approche normative référée à la maitrise du système linguistique ?

Des recherches récentes tendent à montrer que, loin de s’exclure, ces deux dimensions peuvent se compléter, voire s’enchevêtrer (Frier, 2020 – Garnier, Rinck, Sitri et De Vogüe, 2015). C’est en ce sens que pourrait être intéressant le concept d’« approche intégrée » (Pollet, 2021).

 

Pistes proposées 

Dans le cadre qui vient d’être exposé, plusieurs regroupements de questions peuvent servir de pistes dans lesquelles inscrire les propositions de contributions.

 

Questions relatives aux cadres et outils théoriques pour l’analyse et la didactisation des discours dans l’enseignement supérieur

Des propositions d’ordre théorique, proposant un état des recherches et avançant de nouveaux regards, peuvent explorer les questions suivantes :

  • Quelles articulations entre les recherches en sciences du langage (y compris la socio-linguistique et ses réflexions sur les normes) et en sciences de l’éducation en ce qui concerne la didactisation des discours dans l’enseignement supérieur ?
  • Quelles spécificités génériques, énonciatives et textuelles des discours dans l’enseignement supérieur pour quel(s) type(s) d’approche didactique ?
  • Quels impacts de ces spécificités sur les concepts linguistiques exploités dans les formations des étudiant.es et les outils proposés ? sur l’évaluation des compétences langagières des étudiant.es ?

 

Questions relatives à la diversité des contextes

Les travaux actuels montrent la variété des discours circulant dans divers environnements, avec des particularités liées au niveau d’études qu’ils concernent, à leurs ancrages institutionnels voire géographiques, à leurs contenus, à leurs intentions et modalités mais aussi aux communautés discursives qui les accueillent.

Quelques questions peuvent dès lors être abordées dans cet ordre d’idée, par exemple :

  • Quels socles théoriques et quelles formations pour quels contextes d’études ? Quelles variations entre un cursus universitaire général et des cursus professionnalisants organisés au sein d’une université et/ou dans d’autres institutions d’enseignement supérieur ? 
  • Quels socles théoriques et quelles formations pour quels paliers d’études et pour quels genres de discours ? quelles spécificités non seulement pour les formations en master et doctorat, centrées sur les discours de recherche, mais aussi pour les formations précoces visant dès la première année à l’appropriation des discours de l’enseignement supérieur dans leur diversité ? Quelles ruptures ? Quelles continuités ?
  • Quels liens entre les analyses de besoins, les évaluations des compétences et les contenus des formations proposées ?

 

Questions relatives à l’évolution des objets, pratiques, supports et genres

Si les pratiques de l’écrit ont fait l’objet des premières préoccupations didactiques dans notre champ, et si elles y occupent toujours une place importante, l’évolution de l’enseignement supérieur amène à s’interroger sur la place de nouvelles pratiques, de nouveaux objets, genres, supports et outils qui s’y implantent, notamment à l’heure de l’I.A.

Les compétences langagières à développer semblent s’étendre actuellement à toutes les compétences langagières, y compris orales ou scripturo-orales, comme le montrent de récents travaux (e.a. Boyer et al., 2018 – Dufour et Parpette, 2017 – Scheepers (dir.), 2023).

Par ailleurs, il devient crucial de ne pas négliger la dimension numérique des pratiques et des supports de discours, ni les divers effets que peut amener l’explosion des littéracies numériques (e.a. Daunay et Flückiger, 2018 – Flückiger, 2016, 2021, 2024 – Assis, Komesu et Pollet, 2021 – Komesu, Daunay et Flückiger, 2021 – Horning, 2024).

Quelques questions peuvent être examinées dans ce cadre :

  • Quelle(s) place(s), quelles analyses linguistiques et quels regards didactiques pour les genres relevant de l’oral et/ ou du scripturo-oral ? pour les interactions écrit-oral ?
  • Quels contenus et quelle didactisation en matière de littéracies numériques et multimodales ? 
  • Quel(s) rôle(s) peuvent jouer les approches relevant de la « littéracie critique » face aux risques de désinformation et de manipulation ?
  • Quelle place pour les pratiques de l’écriture inclusive dans les discours de l’enseignement supérieur, chez les enseignant.es, les chercheur.ses et les étudiant.es ?
  • Que proposer face à l’installation des I.A. dans le paysage de l’enseignement supérieur ?   

  

Questions relatives aux étudiant.es allophones et aux situations de bi/plurilinguisme

En ce qui concerne la diversification des publics allophones dans nos universités (étudiant.es Erasmus, exilé.es, …), conjointement à une approche FLE/FLS (e.a. Omer, 2014 – Beillet et Lang, 2017 – Lang et Meyer, 2018), une tradition de recherches et de pratiques s’est constituée autour du FOS (Français sur Objectifs Spécifiques) dont une déclinaison récente, le FOU (Français sur Objectifs Universitaires), a conforté une perspective résolument pragmatique, de l’analyse des besoins à la confection d’activités ciblées (voir e.a. Mangiante et Parpette, 2012, 2022 – Bordo, Goes, Mangiante (éd.), 2016).

Par ailleurs, de nombreux travaux montrent l’intérêt d’exploiter dans les dispositifs didactiques une approche plurilingue et pluriculturelle (e.a. Meunier, 2020, 2021 – Meunier, Dezutter et al., 2023 – Louis et Meunier, 2017 – Dufour, 2021).

Quoi qu’il en soit, dans les cas d’étudiant.es allophones, il s’agit d’organiser leur adaptation aux discours de l’environnement institutionnel, culturel, disciplinaire et linguistique des études poursuivies.

Plusieurs questions peuvent être explorées : 

  • Comment développer les compétences littéraciques des étudiant.es allophones ? quelles approches pour quels publics ?  
  • Quels décalages – et quelles pistes pour y remédier – relatifs aux pratiques et attentes littéraciques entre les pays d’accueil et d’origine des étudiant.es allophones en situation de mobilité ou d’exil ?
  • Comment le plurilinguisme des étudiant.es est-il pris en compte, ou ignoré, dans les pratiques ?

 

*

 

A noter :

Outre les communications, des conférences, tables rondes et ateliers sont également prévus (voir le programme à venir).

 
 

Orientation bibliographique

 
 
 
 
 


 

[1] Littéracies universitaires et Didactique des Discours de l’Enseignement supérieur (Université libre de Bruxelles) :  ludes.ulb.ac.be

[2] On ne citera ici que les travaux fondateurs : les recherches foisonnantes des équipes Lidilem (Université de Grenoble) et Théodile (Université de Lille), ainsi que l’ouvrage de C. Fintz (coord.), La didactique du français dans l’enseignement supérieur : bricolage ou rénovation ?,  L’Harmattan, 1998.

[3] L’orthographe du mot peut se justifier de la sorte : « littéracies, comme un compromis entre la racine française qui relie ce terme à la famille des termes « lettres, littérature, etc. » et la finale anglaise -cie (bien que cette finale ne soit pas inconnue en français), sans oublier la marque du pluriel, qui renvoie à un des aspects du concept, la diversité des pratiques désignées par le terme de littéracies » (Delcambre et Pollet, 2014, p.3).

[4] Si le concept s’est stabilisé avec l’usage de l’adjectif « universitaire », il semble acquis désormais que les principes qu’il charrie s’étendent à l’enseignement supérieur dans son ensemble.

[5] On citera ici notamment la recherche ANR coordonnée par Isabelle Delcambre (Les écrits à l’université : inventaire, pratiques, modèles : ANR – 06 – APPR – 019) ; le colloque Littéracies universitaires : savoirs, écrits, disciplines, Université de Lille, 2010 (dir. I. Delcambre, D. Lahanier-Reuter et F. Boch) ; la publication 

de Pratiques, 153-154, 2012 : Littéracies universitaires : nouvelles perspectives (coord. I. Delcambre et D. Lahanier-Reuter).

[6] https://ecriplus.fr/  Ce projet fera l’objet d’un colloque organisé en juin 2025 à l’Université de Toulouse Jean Jaurès : Accompagner l’écrit dans le supérieur : formation, évaluation, certification. Le projet écri+ dans le champ des littéracies universitaires.

[8]https://www.usherbrooke.ca/i2p/fileadmin/sites/i2p/documents/Pre__sentation_PowerPoint_Litte__ratie_universitaire.pdf

[9] https://cmu.ulb.ac.be/

[10] Ce regard n’est cependant pas neuf. Pour l’écrit, on citera le numéro 72 de la revue Linx (coord. Garnier, Rinck, Sitri, De Vogüe, 2015) et les deux ouvrages grenoblois (Tutin et Grossmann (dir.), 2015 – Boch et Frier (dir.), 2020). Pour les pratiques de l’oral, on peut songer à certains chapitres des ouvrages de M. Luodopää-Manni, F. Grossmann et A. Tutin (dir.), 2022 et Scheepers (dir.), 2023.

Personnes connectées : 1 Vie privée
Chargement...